Forward Motion, le mouvement par anticipation

De Bach au be-bop, approche corrective du phrasé jazz

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« Le problème avec les gens qui ne savent pas, c'est qu'ils ne savent pas ce qu'ils ne savent pas. » Gene Lees, numéro de janvier 2001 de Jazzletter

Par HAL GALPER

traduit de l'anglais américain par Marie-France Arnou

Préface

Ça fait la énième fois que je commence à écrire un manuel de jazz. À chaque fois, j'ai fini par me décourager, arrêter et tout mettre à la poubelle. À chaque fois, quatre grandes questions m'ont coupé dans mon élan.

Il y a déjà tellement de manuels de jazz sur le marché, est-ce bien nécessaire d’en écrire un autre ?

La réponse est « oui » pour de nombreuses raisons. […] Quand on apprend à jouer, on commence rarement avec une conception claire et nette de la manière dont on veut jouer. C’est un processus de découverte et d’expériences personnelles qui consistent à tester des idées, des théories et des concepts musicaux divers, quitte à faire des erreurs, afin de découvrir sa propre voix. Bien souvent, il s’agit de découvrir ce qui ne nous convient pas, par élimination. Forward Motion, le mouvement par anticipation ne répondra peut-être pas à la question « comment est-ce que je veux jouer ? » mais, au moins, il vous présentera un autre point de vue. Tirez-en ce qui vous convient et débarrassez-vous du reste.

Comment des élèves naïfs et inexpérimentés qui apprennent le jazz peuvent-ils juger de la qualité d’un manuel ?

Ils ne le peuvent pas. Du moins pas sans l’acheter, le lire et essayer les suggestions qu’il contient. Et même après tout ça, ils auront probablement encore du mal à savoir si le manuel en valait la peine. […]

À quoi reconnaît-on un bon manuel de jazz ?

Deux réponses : premièrement, si vous en avez tiré une idée que vous pouvez appliquer, alors c’est un bon manuel. Si vous en avez tiré plusieurs, c’est un excellent manuel. J’espère que les lecteurs de Forward Motion, le mouvement par anticipation y trouveront au moins une bonne idée.

Deuxièmement, un bon manuel de jazz respecte cinq principes immuables qui en valident les concepts :

  1. Ses concepts peuvent être historiquement validés par l’utilisation qu’il en a déjà été faite dans la tradition de la musique. Le processus par lequel un concept s’est développé et a été modifié au fil du temps doit être clair et sans équivoque. Ce qui fonctionnait à l’époque de Bach en Allemagne doit aussi fonctionner à l’époque d’Armstrong à la Nouvelle-Orléans.
  2. Ses concepts reposent sur des principes scientifiques rationnels, c’est-à-dire sur la façon dont l’esprit, le corps et les émotions fonctionnent dans l’apprentissage et la pratique de la musique.
  3. Des concepts musicaux valables doivent pouvoir s’appliquer à n’importe quel genre musical, quels que soient l’époque et le lieu. Ils doivent englober des idées qui sont universelles.
  4. Il faut que ça marche. Les concepts doivent être pragmatiques.
  5. Les concepts doivent sonner juste pour l’élève. Des impressions ressenties à un niveau intuitif lors du travail ou de l’interprétation d’un morceau donnent, une fois verbalisées, un sentiment de reconnaissance d’un concept précis. Je ne sais pas combien de fois il est arrivé qu’un élève me dise : « Ah mais oui, Hal ! J’avais cette impression mais je ne savais pas ce que ça voulait dire. » La difficulté, pour tout enseignant, c’est de savoir comment transmettre ces concepts à l’élève sans limiter le développement de son style personnel.

Est-ce qu’on peut apprendre à jouer du jazz dans un livre ?

Non. […] Ce que peut apporter l’enseignement du jazz, c’est l’opportunité de créer et d’organiser votre propre méthodologie d’apprentissage par vous-même. La méthodologie que vous développerez pour apprendre à jouer finira par avoir une influence directe sur votre style musical, votre voix personnelle. Si vous voulez développer votre propre voix, vous devez développer votre propre façon d’apprendre et de travailler.

Il y a toutefois des principes universels dans le travail et dans le jeu, que chaque élève sera amené à rencontrer. On pourrait les appeler les « quoi » et les « comment » de la musique.

Les « quoi » de la musique sont factuels et spécifiques à chaque genre ; il s’agit des différents aspects de l’harmonie, de la mélodie et du rythme tels qu’ils s’appliquent à un genre ou à un style de musique particulier. […] Les « comment » des idées musicales sont de nature universelle et il faut toute une vie pour les apprendre. […]

Les problèmes rencontrés lorsqu’on fait de la musique relèvent tous de difficultés du domaine des états d’esprit mentaux comme la perception, la conception et l’attitude. Cet ouvrage est donc théorique uniquement dans sa façon d’aborder la modification de ces états d’esprit. Il est conçu pour modifier la façon dont les élèves perçoivent la musique. Ce qui est certain, c’est que cet ouvrage n’est pas un manuel d’exercices. Il s’adresse aux musiciens de niveau intermédiaire ou avancé. Le lecteur est censé avoir les compétences nécessaires pour inventer ses propres exercices à partir des exemples musicaux présentés dans cet ouvrage.